Introduction – feuilleton “Morts et disparus de la Grande Guerre”
Quelques considérations sur les conséquences démographiques de la Grande Guerre en France
Près d’un million et demi de morts ou de disparus en France. Un bilan dramatique de 1914-1918, dont le pays ne s’est jamais remis. D’autant qu’à côté des morts, des blessés, des mutilés, c’est l’ensemble de la population qui est touchée. Veuves, jeunes filles célibataires, orphelins entretiennent, dans l’après-guerre, cette blessure…
1914-1918 a représenté une véritable saignée pour la population française. Si les pertes civiles ont été proportionnellement moindres que durant les autres conflits environ 40 000 victimes, la Première Guerre mondiale a tué, blessé, amputé plus qu’aucune autre.
Au total, 8,7 millions d’hommes ont été incorporés, en France, entre 1914 et 1918. C’est presque l’ensemble d’une génération qui a été concernée, puisque 90 % des classes allant de 1914 à 1917 ont été appelées. Le nombre d’hommes employés à l’arrière ou indisponibles explique que seuls 5 millions de Français furent effectivement des combattants.
Toutefois, un chiffre caractérise mieux que tout autre le conflit : celui des pertes totales. Pour la France, à la date du 1er juin 1919, elles s’élevaient à 1 394 388 victimes. Près de 28 % des combattants et 16,8 % des mobilisés ont ainsi perdu la vie. Avec plus de 20 % de pertes, ce sont nettement les générations nées entre 1887 et 1895 âgées de dix-neuf à vingt-sept ans qui ont payé le plus large tribut
Cette disparition prématurée de jeunes hommes provoqua un cataclysme démographique et social: déséquilibre entre les sexes, vieillissement de la population, notamment des actifs sur qui reposait la reconstruction, déficit des naissances durant les années de guerre…
Ainsi, Hagétaubin, comme toutes les communes françaises et notamment les communes rurales, la France étant, à l’époque, très majoritairement rurale, paya-t-elle son tribut…
La commémoration
Le deuil de la Grande Guerre a déterminé les communes à rendre hommage à leurs morts pour la Patrie. Dans les années 1920-1925, ce sont quelque 35 000 monuments aux morts qui sont érigés malgré les difficultés de la reconstruction (plus de 95 % des communes françaises en possèdent un) . L’État est intervenu pour accorder des subventions et réglementer les édifications, les souscriptions publiques couvrant parfois la totalité des dépenses.
La loi du 25 octobre 1919 dite « loi sur la commémoration et la glorification des Morts pour la France » fixe notamment les modalités d’attribution par l’État d’une éventuelle subvention, variant de 4 à 25 % du montant global du coût du monument, cette participation ayant surtout une fonction de légitimation . Devant le déferlement de monuments en voie de création marqués par une certaine banalité (recours notamment pour la statuaire à des moulages commerciaux pour des raisons financières mais surtout de commodité — stocks permanents, délai de livraison — et de mode, ces modèles standardisés connaissant un certain succès) , le ministère de l’Intérieur décide, par la circulaire du 20 mai 1920, de la mise en place de commissions artistiques départementales chargées de l’examen de ces projets .
Les pertes massives (…) amènent, le plus souvent, non à glorifier la victoire, mais à honorer ceux qui ont perdu la vie. Cet aspect est important, car la très grande majorité des monuments élevés à cette occasion le sont à l’initiative, ou au moins avec la participation financière des anciens combattants, qui formaient la majorité des hommes de 20 à 50 ans en France . Leur motivation à continuer de se battre était l’espérance que cette guerre serait la dernière (« la Der des Ders »), et que leur sacrifice ne serait pas vain ; les monuments sont là pour rappeler ce sacrifice.
35 000 monuments furent donc construits en France de 1918 à 1925 , soit environ (quinze inaugurations par jour les trois premières années d’après-guerre ), les monuments prenant la forme d’obélisques ou de colonnes d’une même inspiration (avec ou le plus souvent sans groupe statuaire car beaucoup de communes n’ont pas les moyens financiers d’assurer l’élévation d’’un monument grandiose), de stèles ou de simples plaques.
Dans la commune d’Hagetaubin, 2 monuments aux morts ont été érigés, l’un pour le quartier Mascouette-Aurit, l’autre pour le quartier Hagétaubin. Les 2 sont localisés près des églises, Saint Pierre pour Mascouette, Saint Loup de Sens pour Hagétaubin.
Sur ces 2 monuments, 26 noms sont gravés, 14 pour celui de Mascouette, 12 pour celui d’Hagétaubin.
Travail et méthode
A travers ces 26 noms, nous vous proposons de faire un travail de mémoire sur ces “poilus”, dont l’histoire (plus ou moins précise selon nos recherches et la présence de sources…), constitue l’Histoire de la Grande Guerre.
Une chronologie des décès nous permettra de dérouler l’Histoire du conflit. Pour chaque décès, sont présentés une brève biographique familiale, la situation militaire des décédés, les circonstances, autant que faire se peut, de leur mort, éventuellement, quand cela a été possible des documents familiaux (lettres, documents divers, médailles…).
Remarque: Ce travail, pour avoir une idée plus précise de l’impact du conflit sur la commune d’Hagétaubin, sera à compléter par des études sur l’ensemble des mobilisés, des blessés et invalides de guerre, des veuves et orphelins (pupilles de la Nation)….
Nos principales sources ont été les suivantes;
–les archives départementales pour les registres de recrutement militaire et les registres d’Etat-civil.
Divers sites et sources ont été également utilisés selon les circonstances des décès et les situations militaires. Ils sont indiqués au coup par coup.
A cela, il faut ajouter les collaborations et témoignages familiaux...
Chronologie et circonstances générales des décès
Les décès balaient l’ensemble des 5 ans du conflit:
- 6 en 1914,
- 5 en 1915,
- 6 en 1916,
- 3 en 1917
- 5 en 1918
Un soldat, présent sur un monument, est décédé en 1924 des suites d’une affection contractée lors de la guerre.
Nous retrouverons les noms d’événements connus du conflit, bataille des frontières, bataille de la Marne, de l’Aisne en 1914, offensives d’Artois, de Champagne et expédition des Dardanelles en 1915, batailles de Verdun et de la Somme en 1916, offensive du Chemin des Dames en 1917, offensives allemandes et contre-offensives alliées en 1918.
Mais, il y a aussi le quotidien des poilus, escarmouches, combats locaux, maladies contractées au front…